Les ordinations de gays et lesbiennes

Le 2 novembre 2003, un évènement sans précédent a eu lieu : la 1ère consécration de toute l'histoire de l'Eglise d'un évêque ouvertement gay et vivant depuis une bonne dizaine d'années avec un partenaire de même sexe. Gene ROBINSON, puisque c'est de lui dont il s'agit, est devenu un symbole pour tous ceux qui luttent contre le refus de la plupart des Eglises de procéder à l'ordination de personnes homosexuelles non chastes. En agissant ainsi, l'Eglise Episcopale s'ets montrée inclusive. Ceci ne doit cependant pas faire illusion: un nombre non négligeable d'églises locales et de diocèses de l'Eglise Episcopale aux Etats Unis et encore plus dans d'autres pays (notamment l'Afrique) se sont montrés opposés à une telle ordination, au point que des menaces de schismes se sont fait jour. Dans l'Eglise d'Angleterre également, les opinions sont très partagées. En 2004, Jeffrey John, ouvertement gay, avait été nommé évêque mais a dû démissionner suite au tollé que cela avait provoqué et ce bien qu'il affirme vivre dans la chasteté, conformément à la morale traditionnelle de l'Eglise concernant les gays et lesbiennes. Il a depuis été nommé Doyen de la Cathédrale de Saint Alban (GB).

Nous reproduisons ci-dessous le témoignage que Nick GODFREY apporte à ce moment historique qu'a été la consécration de Gene Robinson (traduction française d’un article de Lesbian and Gay Christians News Update – Winter 2003).

Invité au centre de la consécration de Gene ROBINSON

Le 2 Novembre 2003, Dimanche de la Toussaint, un événement stupéfiant a eu lieu qui a fait de l’Eglise Episcopale des USA l’Eglise la plus intégrante, et même un phare pour le reste de la Communion Anglicane et pour l’ensemble du monde Chrétien. Dans le lieu le plus improbable (Durham, New Hampshire), et dans le plus improbable des bâtiments (une patinoire de hockey transformée), l’esprit de dieu était à l’oeuvre. Pendant une cérémonie de trois heures , avec près de 4.000 participants, dont le Secrétaire Général du LGCM Richard Kirker, et dans une sécurité rapprochée, Gene Robinson, un homme gay engagé dans une relation stable, a été consacré Evêque Coadjuteur du New Hampshire.Il est maintenant le premier évêque ouvertement gay dans la Communion Anglicane.

La procession des églises et des écoles du diocèse, des prêtres Episcopaliens, des invités d’origine oecuménique et interreligieuse, dura trente minutes. Des témoignages furent donnés certifiant que Gene Robinson avait été « dûment et légalement élu pour être évêque de l’Eglise de Dieu ». Quand Franck Griswold, l’évêque président et primat de l’Eglise Episcopale des USA, demanda si quiconque connaissait « une raison pour ne pas continuer », il y eut trois protestations officielles. Meredith Harwood, une laïque du New hampshire, a protesté que la consécration de Robinson était « un acte de défi et diviseur d’une église sourde » qui avait « cédé à une culture d’élite » et « briserait le coeur de Dieu ». Le Révérend Earle Fox, du diocèse de Pittsburgh, a parlé des actes sexuels que pratiquent les homosexuels, et l’évêque Griswold lui a finalement demandé de nous « épargner les détails ».

La dernière objection vint de l’évêque David Bena d’Albany, qui a lu une lettre de deux douzaines d’évêques qui s’opposaient à la consécration de Robinson en raison de leur foi que « le style de vie choisi par Robinson est incompatible avec les Ecritures et l’enseignement de cette église ». Il a plus tard déclaré « qu’ils se joindraient à la majorité des évêques de la Communion et ne le reconnaîtraient pas ».

Ces objections furent entendues en silence et ensuite , Griswold déclara que « les bases de ces objections avancées étaient bien connues et , je pense, ont déjà été prises en considération à la fois par ce diocèse et la Convention Générale... Nous allons poursuivre ». A la question « Voulez-vous que nous ordonnions Gene comme évêque ? » la réponse fut un tonitruant « oui, nous le voulons ».
L’évêque actuel du New Hampshire, le Rt. Rev. Douglas Theuner, fit un sermon inspiré et plein de sagesse. L’évêque, qui sera en retraite en Mars prochain, dit que l’ensemble du ministère du Christ était destiné aux exclus et aux marginaux, et que « Sa colère était dirigée vers la bonne société religieuse de son époque ». Theuner déclara aussi que l’élévation de Robinson conduirait à une plus grande unité, et non à une division. « A cause de ce que vous êtes Gene, vous serez comme un symbole de l’unité de l’église d’une façon qu’aucun de nous autres ne peut l’être » et « votre présence même dans l’épiscopat apportera dans notre assemblée la présence d’un groupe entier de Chrétiens jusqu’ici non reconnus dans ces conseils de l’église ».

Robinson a été examiné ensuite par sept évêques, parmi lesquels l’évêque Barbara Harris qui fut la première femme évêque de la Communion Anglicane, et qui avait connu pareille controverse en 1989. Robinson s’agenouilla et les évêques l’entourèrent et lui imposèrent les mains. Il lui fut donné les symboles de sa charge ; une étole , une chasuble, une croix pectorale, une mitre, une crosse, et un anneau épiscopal. Parmi ceux qui lui présentèrent ces symboles, il y avait Mark Andrew, son compagnon depuis 15 ans, son ancienne femme, et ses deux filles.
L’évêque président a présenté le nouvel évêque à la congrégation. Les gens se levèrent pour applaudir Gene Robinson et l’émotion était si forte qu’il eut du mal à parler. Il dit que la consécration « n’était pas tant la sienne que celle de tous ceux qui sont marginalisés. Votre présence aujourd’hui ici est une invitation pour eux à se recentraliser ». Parlant de ceux qui s’étaient opposés à sa consécration, Robinson dit : « il y a beaucoup de Chrétiens merveilleux et sincères pour lesquels c’est une période de grande souffrance, de confusion et de colère. Dieu est servi par notre amour pour eux ». Il dit aussi : « le regard du monde est porté sur nous. Nous ne pourrions pas nous payer une telle publicité, alors servons-nous en pour Dieu. Tant de gens ne connaissent pas l’amour de Dieu, alors disons leur combien Dieu nous a sauvé en atteignant tous ceux qui ont faim de Dieu ». Le service était si émouvant que l’émotion était palpable lors du signe de paix. L’Eucharistie était extraordinaire et il y eut besoin de trois vastes tables pour poser les ciboires et les calices.

Après la réception, il ne restait que quelques contestataires à l’extérieur. Les gens quittèrent la patinoire sous les applaudissements. Il y avait un groupe d’étudiants du New Hampshire ils dirent tous « Merci ; merci de l’avoir fait ». Ils nous rappelèrent que tout ce qui se passa cet après-midi allait plus loin que la consécration d’un évêque Episcopalien. Cette consécration sera un message d’espoir pour toute l’Eglise Episcopale, l’ensemble de la Communion Anglicane, et même pour tous les Chrétiens. Cet événement montre que l’Eglise Episcopale, comme le Christ accueille ceux qui sont marginalisés. Un jour, l’Eglise d’Angleterre aussi consacrera son premier évêque ouvertement gay. L’élection de Gene Robinson ne peut que nous inspirer pour continuer d’y travailler.