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Dernière mise à jour: 16/11/04

Que dit la Bible sur l'homosexualité ?

La condamnation de l'homosexualité dans la Bible est un argument souvent invoqué par ceux qui s'opposent aux revendications des gays et lesbiennes. Les chrétiens doivent prendre cet argument au sérieux, notamment les anglicans et les protestants qui croient que la Bible contient tout ce qui est nécessaire au salut.

Que disent réellement l'Ancien et le Nouveau Testaments au sujet de l'homosexualité ? Peut-on en conclure que Dieu, tel qu'il s'est révélé en Jésus-Christ, est opposé aux homosexuel(le)s et/ou aux actes homosexuels ? La Bible a-t-elle quelque chose à dire aux gays et lesbiennes souhaitant suivre le Christ ? Si ces questions vous intéressent, ainsi que celle plus large de l'inclusion et de la vocation des gays et lesbiennes dans l'Eglise, la série d'études bibliques "Affirmer la promesse" est faite pour vous !

Ci-dessous est proposée une critique de l'interprétation par les fondamentalistes des passages bibliques évoquant l'homosexualité.


L'homosexualité, la Bible et la tradition fondamentaliste

Nous publions ci-dessous, avec l'aimable autorisation de LGCM , la traduction française des trois premiers chapitres d'un ouvrage provocateur: "Homosexuality, the Bible and the Fundamentalist Tradition" de David B Taylor (Editions LGCM,1999). Ce livre n'engage que son auteur et ne reflète pas toujours la position des anglicans. Nous le publions néanmoins car la lecture critique de la Bible qui y est faite nous semble plus respectueuse de la Parole de Dieu qu'une lecture littérale.

Sommaire

Chapitre 1: De l'usage incorrect des Ecritures

Chapitre 2: L'homosexualité dans l'Ancien Testament

Chapitre 3: L'homosexualité dans le Nouveau Testament

Avant Propos

La Conférence de Lambeth des Evêques Anglicans (NDLR : sorte de concile réunissant tous les dix ans l’ensemble des Eglises de la Communion Anglicane) a rejeté en août 1998 « la pratique homosexuelle comme incompatible avec l’Ecriture ( Résolution 1.10.Cd) . Le travail opportun de David Taylor permettra à ses lecteurs de se faire leur propre opinion au sujet du bien-fondé de ce point de résolution. Qu’est-ce que l’Ecriture dit réellement de la pratique homosexuelle ? Et une fois que nous aurons décortiqué l’enseignement de l’Ecriture , comment convient-il de nous l’appliquer ?
Ce livre offre une explication prudente des passages bibliques se référant à l’homosexualité ou qui y sont référés dans les discussions contemporaines sur le sujet. Le ton en est posé et équitable. Alors qu’il soutient une position « non fondamentaliste », le propos n’est jamais polémique. L’attitude de Jésus devant l’observance du sabbat comme elle a été exposée ici nous donne une image de lui comme un interprète de la Loi, compatissant et miséricordieux. Nous voyons la confirmation que Dieu réclame la miséricorde et pas les sacrifices. Les fondamentalistes interprètent cette demande dans le mauvais sens.
Il y a beaucoup d’aperçus dans ce livre pour les chrétiens gay et quiconque qui désire une étude sérieuse mais accessible de l’enseignement de la Bible sur l’homosexualité.

Chapitre 1: De l’usage incorrect des Ecritures

Ce qui décida de ce livre est la résolution prise en 1998 à la Conférence de Lambeth qui rend l’homosexualité incompatible avec toute forme authentique de religion chrétienne, la raison étant qu’elle est condamnée sans ambiguïté par les Ecritures à la fois de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Il est certainement vrai qu’il y a des passages dans les Testaments qui la condamnent, bien que de la même façon il serait fallacieux de croire ( comme des membres de la Conférence l’ont fait de temps en temps) qu’elle est à maintes reprises ou constamment condamnée par les Ecritures. Comme nous le verrons, l’Ancien Testament ne mentionne que très rarement le sujet ( il y a au plus trois références non équivoques), alors que dans le Nouveau Testament, en dehors des écrits de Paul, il n’y a qu’un seul passage qui probablement s’y réfère.
Honnêtement, nous ne devrions pas faire trop cas de la rareté de ces citations, car la raison probable en est que le sujet était d’avantage considéré comme non mentionnable que comme négligeable, mais notons tout aussi honnêtement cette rareté elle-même.
L’aspect que je développerai dans ce premier chapitre est que, bien que l’Ecriture la condamne, je crois qu’on peut montrer, d’une part qu’une telle condamnation est à la fois inutile et cruelle, d’autre part que peu de références à l’Ecriture ne peut justifier de réclamer non pas la miséricorde mais le sacrifice comme le fait la tradition fondamentaliste .En effet, la miséricorde est précisément le principe que Jésus établit par dessus tout, en opposition aux autorités religieuses de l’époque qui avaient incontestablement mis l’Ecriture de leur côté.
Si nous voulons savoir ce que disait la Bible du temps de Jésus ( ce qui correspond essentiellement à notre Ancien Testament), sur l’observance du Sabbat, nous ne pouvons pas faire mieux que de commencer avec le texte suivant :

Nombre 15 : 32-35.
32 Comme les enfants d'Israël étaient dans le désert, on trouva un homme qui ramassait du bois le jour du sabbat.
33 Ceux qui l'avaient trouvé ramassant du bois l'amenèrent à Moïse, à Aaron, et à toute l'assemblée.
34 On le mit en prison, car ce qu'on devait lui faire n'avait pas été déclaré.
35 L'Éternel dit à Moïse: Cet homme sera puni de mort, toute l'assemblée le lapidera hors du camp.

La raison de l’opposition de Jésus aux règles du Sabbat, de son temps, est qu’elles ne reposaient pas sur un objectif moral réel ; elles étaient donc inutiles et pouvaient souvent être un inconvénient inutile autant que cruel. Dans les trois Evangiles synoptiques l’histoire avec laquelle nous avons commencé ( Mt.12 :1-8 ; Marc 2 : 23-28 ; Luc 6 : 1-5) est immédiatement suivie par l’épisode de la guérison de l’homme à la main paralysée, qui l’illustre précisément.
Cela suggère aussi que c’est sur ce point de non-respect de l’observance du Sabbat que Jésus s’est attiré l’hostilité à la fois des activistes religieux ( pharisiens) et politiques ( hérodiens – non mentionnés chez Matthieu) de son époque.
Comme nous pouvons le voir à partir de l’extrait des Nombres, il n’y a aucun doute que c’était du côté des opposants de Jésus qu’était sans ambiguïté l’Ecriture. Et ils n’avaient pas uniquement à dépendre d’une passage qui, même à l’époque de Jésus serait apparu archaïquement sévère. Commet Jésus pouvait répondre à chacun en rappelant ce qui suit :

Jérémie 17 : 19-27.
19 Ainsi m'a parlé l'Éternel: Va, et tiens-toi à la porte des enfants du peuple, par laquelle entrent et sortent les rois de Juda, et à toutes les portes de Jérusalem.
20 Tu leur diras: Écoutez la parole de l'Éternel, rois de Juda, et tout Juda, et vous tous, habitants de Jérusalem, qui entrez par ces portes!
21 Ainsi parle l'Éternel: Prenez garde à vos âmes; Ne portez point de fardeau le jour du sabbat, Et n'en introduisez point par les portes de Jérusalem.
22 Ne sortez de vos maisons aucun fardeau le jour du sabbat, Et ne faites aucun ouvrage; Mais sanctifiez le jour du sabbat, Comme je l'ai ordonné à vos pères.
23 Ils n'ont pas écouté, ils n'ont pas prêté l'oreille; Ils ont raidi leur cou, Pour ne point écouter et ne point recevoir instruction.
24 Si vous m'écoutez, dit l'Éternel, Si vous n'introduisez point de fardeau Par les portes de cette ville le jour du sabbat, Si vous sanctifiez le jour du sabbat, Et ne faites aucun ouvrage ce jour-là,
25 Alors entreront par les portes de cette ville Les rois et les princes assis sur le trône de David, Montés sur des chars et sur des chevaux, Eux et leurs princes, les hommes de Juda et les habitants de Jérusalem, Et cette ville sera habitée à toujours.
26 On viendra des villes de Juda et des environs de Jérusalem, Du pays de Benjamin, de la vallée, De la montagne et du midi, Pour amener des holocaustes et des victimes, Pour apporter des offrandes et de l'encens, Et pour offrir des sacrifices d'actions de grâces dans la maison de l'Éternel.
27 Mais si vous n'écoutez pas quand je vous ordonne De sanctifier le jour du sabbat, De ne porter aucun fardeau, De ne point en introduire par les portes de Jérusalem le jour du sabbat, Alors j'allumerai un feu aux portes de la ville, Et il dévorera les palais de Jérusalem et ne s'éteindra point.

Si Jésus pensait que les règles du Sabbat n’avaient pas de raisons d’être utiles et morale, il devait constater qu’il était radicalement et fondamentalement en opposition par rapport au deuxième plus important auteur prophète de l’Ancien Testament. Pour Jésus, s’opposer à Jérémie reviendrait, pour un chrétien moderne, à s’opposer à Paul. Et il y avait encore plus que cela : dans les 40 années qui ont suivi la mort de Jésus, Jérusalem était ( encore une fois) touchée par le genre de désastre que Jérémie avait prédit. Cela était déjà prévisible à l’époque de Jésus que les choses allaient évoluer vers ce genre de catastrophe : les personnes identifiées comme zélotes ( cf. Luc 6 :15 ; Actes 1 : 13 ; mais aussi en Luc 13 : 1,2 , le terme galiléens désigne en fait ces zélotes), incitaient déjà à la révolte immédiate contre Rome, en espérant naïvement que si seulement un déclenchement avait lieu, les cieux s’ouvriraient et les forces divines se rangeraient d’elles-mêmes du côté des juifs pour assurer une victoire immédiate et miraculeuse ( Cf ; Matthieu 26 : 53).
C’est un peu comme si Jésus prédisait la destruction de Jérusalem, comme le disent les Evangiles ; mais il l’aurait fait non pas en s’appuyant sur la base d’une connaissance miraculeuse de l’Esprit de Dieu, mais comme les prophètes de l’Ancien Testament eux-mêmes l’avaient fait :en prêtant attention, sans qu’il y ait là quoique ce soit de miraculeux, à la direction que l’histoire semblait prendre. Ses opposants cependant, auraient pu faire remarquer, en se basant sur la prophétie de Jérémie, qu’entouré comme il l’était, il n’y avait qu’à parier que sa prophétie se réaliserait.
Cela est très spéculatif , mais néanmoins extrêmement curieux d’essayer d’établir les événements originaux à partir de l’extrait de l’Evangile de Matthieu avec lequel nous avons commencé. La question qui demeure est : devons-nous supposer que les pharisiens suivaient Jésus et ses disciples, comme s’ils flânaient dans les champs et, séance tenante, protestèrent devant ce qu’ils virent ? Cela me semble peu probable – et de plus, combien ces disciples étaient-ils ? La réponse du catéchisme serait « douze » mais quand nous étudions cela de prés, cela semble sous-évalué.
Les Evangiles et les Actes sont d’accord sur le fait qu’il y avait 12 Apôtres, mais un nombre beaucoup plus important de « disciples » anonymes. En Luc 10 :1, nous trouvons qu’il y en a 70 ( ou plus probablement 72). Dans les Actes (1 : 1) nous apprenons qu’immédiatement après la mort de Jésus, les disciples étaient environ 120, et ce fut un un peu pareil au moment où il y eut une dispersion de ce corps de disciples en un aussi grand nombre que ceux qui avaient conclu, à partir de la mort de Jésus, qu’il n’était pas, après tout, le rédempteur qu’ils avaient espéré. A partir de là l’estimation la plus faible de l’expédition dans les champs de blés galiléens est de 40 ou 50, mais peut aller jusqu’à 200.
En outre , ils avaient investi les champs de blé pour subvenir à leur faim. Ce qui ne veut pas dire que chacun ait cueilli un ou deux épis de blé pour voir s’ils étaient bons. Jésus et les siens vivaient comme des vagabonds et dans ce cas, avoir faim signifie être réellement affamé. Nous pouvons suspecter que l’incident ci-dessus entraînait une perte importante pour le fermier et il me semble que le débat qui s’ébauche est en la matière celui de procès judiciaires contre Jésus et ses disciples. Un fermier en colère dévale à la ville un dimanche matin et porte plainte auprès des autorités religieuses contre Jésus et ses disciples qui avaient saccagé ses récoltes. Les disciples sont appelés à comparaître à la synagogue pour répondre à l’accusation, le verdict est rendu contre eux et ils sont punis d’une façon ou d’une autre. Jésus proteste bruyamment en citant Osée 6 :6, devant le tribunal pour leur montrer qu’ils ont pris la mauvaise décision ( et si vous aviez su ce que signifiait « je désire miséricorde et non sacrifice », vous n’auriez pas condamné des innocents). Si cela nous donne une vision plus critique de Jésus que la Tradition ne le permet, et plus favorable à ses opposants, c’est probablement pour la bonne cause. Nous devons garder à l’esprit que les Evangiles ne doivent en aucun cas être considérés comme des témoignages impartiaux de l’Histoire. Alors que la Tradition fait apparaître Jésus comme ayant toujours raison et ses adversaires ayant toujours tort, les choses n’étaient sûrement pas si évidentes pour des spectateurs véritables. Examinons la nature de la plainte d’un peu plus près. Les disciples ne sont pas accusés de vol, et de fait ils n’en sont pas coupables. S’ils avaient agi comme ils le firent un autre jour que le Sabbat, les choses auraient été parfaitement claires.

Deutéronome 23 : 24-25.
24 Si tu entres dans la vigne de ton prochain, tu pourras à ton gré manger des raisins et t'en rassasier; mais tu n'en mettras point dans ton vase.
25 Si tu entres dans les blés de ton prochain, tu pourras cueillir des épis avec la main, mais tu n'agiteras point la faucille sur les blés de ton prochain.

Leur offense est d’avantage technique. Récolter les épis de blé revenait techniquement à moissonner, et les frotter dans ses mains pour séparer le grain de son enveloppe équivalait à battre le blé. Or, ces deux activités étaient interdites pendant le Sabbat. Si on connaît la nature humaine, ce sont le vol et les dégâts qui étaient réellement en cause, mais la cour ( le tribunal) devait épingler les disciples sur des charges qui frapperaient vraiment.
Qu’en est-il de la défense probable ? La citation d’Osée en est le meilleur indice disponible ( laquelle n’est trouvée que chez Matthieu – mais pas deux fois : ici et aussi dans 9 : 13 où cela semble moins approprié). L’objection de Jésus sur les règles du sabbat, comme nous l’avons vu, ne semble pas avoir provoqué trop de difficultés ; si on rencontrait des souffrances le jour du sabbat, on devait immédiatement y remédier ( Luc 13 : 10,16) sans attendre le coucher du soleil. L’argument est recevable bien que dans ce contexte peut-être il soit affaibli par le fait que Jésus parle dans son propre intérêt, alors qu’il est présenté comme prenant la défense d’un tiers. C’est un peu comme si, comme nous le verrons dans le chapitre 4, Jésus, en étant ce qu’il est, n’avait qu’une vague idée de la propriété privée, qu’il semble ne considérer au mieux comme un encombrement et au pire comme un détournement des dons de Dieu qui devraient bénéficier à tous.
S’il se trouve qu’à cette occasion nous éprouvons plus de sympathie pour les opposants à Jésus que l’Evangile ne le souhaiterait, cela ne doit pas ébranler le principe qu’il illustrait et dont la citation d’Osée est un si brillant résumé. Ce serait intéressant d’aller un peu plus loin dans cet extrait pour revenir sur ce point et aussi pour dépoussiérer quelques déformations secondaires des faits que nous pourrons déceler ( comme dans les quelques passages de l’Ecriture que nous étudions à la loupe). Comparons le passage dans la version de Marc, (laquelle était connue de Matthieu et lui préexistait ).

Marc 2 : 23,28
23 Il arriva, un jour de sabbat, que Jésus traversa des champs de blé. Ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis.
24 Les pharisiens lui dirent: Voici, pourquoi font-ils ce qui n'est pas permis pendant le sabbat?
25 Jésus leur répondit: N'avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu'il fut dans la nécessité et qu'il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui;
26 comment il entra dans la maison de Dieu, du temps du souverain sacrificateur Abiathar, et mangea les pains de proposition, qu'il n'est permis qu'aux sacrificateurs de manger, et en donna même à ceux qui étaient avec lui!
27 Puis il leur dit: Le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat,
28 de sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat.

Habituellement, quand nous comparons un passage chez Marc et le même passage chez Matthieu, la version de Matthieu est plus longue, car Matthieu avait plus de matériel à sa disposition que Marc.
Une comparaison des deux versions donne ici une bonne illustration de la façon de procéder de Matthieu. Bien que la version de Matthieu soit dans son ensemble plus longue que celle de Marc, le morceau qu’il a « emprunté » ( la référence à David et les siens mangeant le pain de la Présence) est en fait plus court, et ensuite Matthieu 12 : 5,7 est composé de matériau non trouvé chez Marc.

Matthieu 12 : 5-7
5 Ou, n'avez-vous pas lu dans la loi que, les jours de sabbat, les sacrificateurs violent le sabbat dans le temple, sans se rendre coupables?
6 Or, je vous le dis, il y a ici quelque chose de plus grand que le temple.
7 Si vous saviez ce que signifie: Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices, vous n'auriez pas condamné des innocents.

Une divergence très intéressante peut être remarquée quand nous comparons la conclusion des deux extraits. Pour une certaine raison, Matthieu ne cite que la première moitié du verset de conclusion de Marc : « le Sabbat a été fait pour l’homme et pas l’homme pour le sabbat ». C’est évident ,pour quiconque lit les trois premiers évangiles, que ceux-ci sont des comptes-rendus embrouillés et déformés des événements mais, d’un autre côté, qu’ils contiennent néanmoins des souvenirs réels d’un personnage historique véritable. Comment pouvons-nous distinguer : a) les souvenirs réels b) les déformations ? Aussi élaborée que soit une analyse qui classerait les arguments, les références et les apartés, quand nous rentrons dans le texte nous devons en fait faire des suppositions ; et je ne cherche pas d’excuse pour le fait que ce qui suit est pour une large part un travail de suppositions.
Les trois Evangiles ( synoptiques) semblent avoir été écrits pour l’usage d’assemblées spécifiques. Même le Théophile auquel l’Evangile de Luc s’adresse a probablement été d’avantage un membre de l’Eglise plutôt qu’un chercheur solitaire. L’objectif spécifique qui concernait le groupe de Marc est moins facile à découvrir que chez Luc et Matthieu, puisque dans son cas nous n’avons rien de plus ancien à lui comparer. Le Théophile de Luc est probablement un « gentil » converti au christianisme, et les préoccupations de ce type de personnes sont bien mises en valeur dans l’Evangile de Luc, particulièrement en ce qui concerne les Samaritains. Dans l’Evangile de Marc, il n’y a aucune référence aux samaritains, dans Matthieu, il n’y en a qu’une et négative ( 10 : 5), mais dans Luc nous en avons trois ( 9 : 51-56 – 10 : 30,37 ( l’histoire de la Samaritaine) et 17 : 11,19 ). Seule la première semble véridique ; les deux autres, bien que très édifiantes, semblent être de la pure fiction pour un œil averti ; en fait c’est parce qu’elles sont justement si édifiantes que leur authenticité est suspecte. La raison de l’intérêt des lecteurs de Luc pour les Samaritains est facile à comprendre : le Jésus historique n’a que très peu de contacts avec des « gentils » et ce fait indéniable explique pourquoi les Evangiles s’y intéressent si peu. La guérison de la fille de la femme syrophénicienne ( Marc 7 : 24,30) – Matthieu 15 : 21,28) en est le seul exemple explicite. La raison pour laquelle Luc ne l’introduit pas dans son Evangile est très probablement à cause de la réponse initiale peu flatteuse de Jésus à la demande d’aide de la femme : « les enfants ( les juifs) doivent être nourris en premier, car on ne doit pas prendre la nourriture aux enfants et la jeter aux chiens ( c.à.d. les gentils) . Les samaritains pour l’auditoire de Luc étaient le plus proche substitut qu’il pouvait trouver aux « gentils » ce qui est également illustré dans le chapitre 8 des Actes.

Il y a un biais inverse détectable dans l’Evangile de Matthieu , ce qui est surprenant de prime abord compte-tenu de sa date de rédaction ( après 70 et probablement plus près de 80) où il est difficile d’imaginer une assemblée constituée par des Juifs, ce qui est l’impression que l’Evangile nous donne. Dans cet Evangile, plus encore que dans celui de Marc, on apprend de façon surprenante ( mais c’est cependant probablement la réalité) que Jésus dans partageait dans son ensemble les sentiments de ses contemporains juifs à propos des « gentils ». Je suis enclin à considérer comme authentiques les propos de Jésus en 5 : 47 ; 6 : 7 ; 6 :32 ; 20 : 5, bien que seul Matthieu les rapporte. L’histoire des cochons de Genésareth ( Marc 5 : 1,20 – Matthieu 8 : 28,34 – Luc 8 : 26,39) reflète la même idée probablement.
La raison la plus probable pour laquelle Jésus n’autorise pas l’homme guéri à le suivre est qu’il n’était pas juif, mais puisque le biais antil-gentil n’est pas explicite, Luc reprend cette fois l’histoire.
Si je mentionne tout cela, c’est parce que cela éclaire particulièrement la lecture des versets 5 et 6 : « n’avez-vous pas lu dans la loi comment, le jour du sabbat, les prêtres dans le temple profanent le sabbat et sont innocents ? Je vous le dis, il y a plus grand que le temple ici ». Il n’y a rien de cela ailleurs dans aucun évangile ; et je ne crois pas pour autant que ce soit authentique. Au départ cela pouvait concerner une communauté engagée dans l’étude de la bible à qui serait dit : « et il aurait pu aussi désigner… » et ainsi de suite. ( nous devrions garder à l’esprit qu’il y a une quantité importante de ce genre de matériel dans les 4 évangiles, même si nous pouvons difficilement le détecter).

Une seconde lecture pourrait être celle d’un écho fictif de paroles apparemment authentiques rapportées plus tard dans le même chapitre ( 12 : 41,42). Mais quand nous en venons à la citation d’Osée, bien que cela aussi ne soit signalé dans aucun autre évangile, je pense que cela pourrait être authentique. C’est bien sûr, extrêmement bien choisi, ce qui aux yeux d’un critique tendrait à le rejeter ; mais cela me semble lié à l’autre phrase unique chez Matthieu « …vous n’auriez pas condamné les innocents ». Comme je le disais clairement au début de ce chapitre, je vois dans le mot « condamné » ici une référence au contexte original véritable que la tradition a supprimé, c’est à dire un vrai procès vis-à-vis des disciples sur la charge de l’infraction au sabbat. Mais j’insiste encore, c’est largement une supposition que le lecteur est libre d’accepter ou non, selon ses convictions.

Pour le commentaire final, nous nous référons encore à l’apport original de Marc : « le sabbat a été fait pour l’homme et pas l’homme pour le sabbat, ainsi le Fils de l’Homme est seigneur même du Sabbat ». Matthieu s’est passé de la première moitié de ces propos, mais a gardé la deuxième, pourquoi ? La question est d’autant plus intéressante que c’est la première partie qui semble authentique au lecteur moderne alors que la deuxième pourrait avoir été mise sur le compte de Jésus par ses disciples après sa mort. La raison de cet ajout pourrait (permettre) de modérer ce que les propos authentiques impliquent, ce qui suggère que cela aurait même gêné l’assemblée de Marc. Matthieu semble avoir trouvé l’ensemble trop anarchique pour être acceptable. Mais c’est précisément ses implications anarchiques qui les rendent authentiques. Les paroles originales ( ?) impliquent que chacun peut et devrait se dispenser de règles inutiles et de fardeaux ; mais l’ajout est fait pour suggérer que Jésus peut le faire parce que c’est lui, ce qui est délibérément précise pour écarter le doute de quiconque d’autre voudrait le faire. Si le sabbat a été fait pour l’homme et pas l’homme pour le sabbat, ne pourrait-il pas en être de même pour les Ecritures comme pour la religion dans leur ensemble ? Bien sûr que oui et c’est pourquoi on en a besoin pour atténuer les implications antinomiques des propos originaux.

Qu’est-ce que tout cela a à voir avec l’homosexualité ? J’espère que c’est évident pour la plupart des lecteurs. L’ensemble des propos que j’ai identifié comme authentiques viennent appuyer mes propos – eh oui, il se pourrait que je les ai identifié authentiques car ils en avaient tout l’air. La Conférence de Lambeth, comme les pharisiens de l’ancien temps, ont insisté sur le fait que Dieu réclame des sacrifices et non la miséricorde, que les règles sont plus importantes que toutes les épreuves qu’elles imposent, qu’aucune question légitime ne peut être soulevée si elle n’est pas nécessaire : si elle est biblique, la question de sa nécessité ne se pose pas. Mais s’ils avaient su ce que signifie « je désire la miséricorde et non le sacrifice », alors j’affirme qu’ils n’auraient pas condamné les innocents.

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Chapitre 2: L'homosexualité dans l'Ancien Testament

Nous avons entendu beaucoup de choses au sujet de l’Ecriture qui « sans ambiguïté condamne l’homosexualité à la fois dans l’Ancien et le Nouveau Testament ». En ce qui concerne l’Ancien Testament, l’intégralité de cette condamnation « sans ambiguïté » est :

Tu ne couchera pas avec un homme comme on couche avec une femme, c’est une abomination ( Lévitique. 18 : 22)

L’homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme : c’est une abomination qu’ils ont tous deux commises, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux. ( Lévitique 2O : 13)

Le chapitre 18 du Lévitique ( qui est d’un abord plus facile au lecteur moderne que le chapitre 20 plus extrême et punitif) est exposé soigneusement et peut être résumé facilement. Les versets 1 à 5 sont un préambule qui constate que la pratique d’Israël devrait être plus encadrée à la fois en matière d’inceste ( versets 6 –18 ) et plus généralement sur les sujets d’ordre sexuel ( versets 19 – 23) par rapport aux autres nations païennes qu’Israël est amené à fréquenter. La grosse différence avec le chapitre 20 est que, dans le chapitre 18, il n’y a aucune punition attribuée aux offenses.
Le chapitre conclut ( versets 24-30) par une menace générale de désintégration et de déclin de la Société dans son ensemble si ces pratiques sont tolérées, comme c’est le cas pour la plupart d’entre elles par les Egyptiens et les Cananéens.

Si vous regardez de plus près le chapitre 20, vous trouverez que le matériau en est le même qu’au chapitre 18, seulement c’est beaucoup moins bien arrangé, et cette fois une punition particulière est attachée à chaque offense. Les gens offrant leurs enfants en sacrifice doivent être lapidés ( v. 2) et les affaires d’inconduite sexuelle ( plutôt que d’inceste en tant que tel) doivent être punies de mort. Bien que la façon de donner la mort ne soit pas précisée, exceptée dans le cas d’un homme épousant une femme et sa fille (les trois doivent alors être brûlées vifs), il est possible que tous les cas mentionnés dans cette partie ( v.10-16) doivent être brûlés ( voir Genèse 38 : 24 – Lévitique 21 : 9 ). Dans la partie de ce chapitre traitant de l’inceste ( v.17-19), des punitions y sont encore une fois liées, mais ce n’est pas très clair, sauf dans les deux derniers exemples ( v.20, 21) où c’est précisé. Il n’est pas clair, par exemple, si des phrases comme « ils seront exterminés sous les yeux des membres de leur peuple » ( v.17) ou « ils porteront le poids de leur faute » ( v.19) signifie qu’ils devront être exécutés ou simplement laissés à la vengeance divine.
Revenons plus en amont dans ce chapitre : « Si les gens du pays veulent fermer les yeux sur cet homme quand il livre l’un de ses fils à Moloch et ne le mettent pas à mort, c’est moi qui m’opposerai à cet homme et à son clan. Je les retrancherai du milieu de leur peuple… » ( Lévitique 20 : 4 – 5a).
C’est évident que le sens original, en aucun cas, ne se réfère au châtiment divin. On peut supposer cependant quand la phrase est utilisée aussi souvent qu’elle l’est ici, qu’à l’époque, la négligence notoire de Dieu à porter des menaces de ce genre était souvent compensées par le zèle et la colère de l’homme.

Les deux courts passages ci-dessus, comme je l’ai dit, constituent l’intégralité de la condamnation « sans ambiguïté » de l’homosexualité dans la Bible. Cependant je pense que l’on doit concéder que la réticence des Ecritures dans leur ensemble sur le sujet tienne plus au fait que les nombreux auteurs considéraient le sujet non mentionnable plutôt que parce qu’ils pensaient que c’était sans importance. Quel besoin de mettre la pression sur le lecteur moderne, quelque soit la vision primitive et la cruauté du code Lévitique en entier ?
Les ecclésiastiques fondamentalistes sont attentifs à porter leur attention sur les deux versets en tête de chapitre pour « prouver » que Dieu condamne l’homosexualité. Ils seraient, je pense, moins attentifs à lire les chapitres 18 et 20 dans leur totalité, ce qui ferait apparaître leur condamnation pour ce qu’elle est : primitive, précivilisée et pré-rationnelle. J’ai dit que les deux versets ci-dessus tirés du Lévitique 18 et 20 représentent l’intégralité de la condamnation sans ambiguïté de l’homosexualité dans l’Ancien Testament et de fait, c’est vrai. Mais nous devons aussi, évidemment, parler de l’histoire de la destruction de Sodome dans

Genèse : 19 : 1 – 11.
1 Les deux anges arrivèrent à Sodome sur le soir; et Lot était assis à la porte de Sodome. Quand Lot les vit, il se leva pour aller au-devant d'eux, et se prosterna la face contre terre.
2 Puis il dit: Voici, mes seigneurs, entrez, je vous prie, dans la maison de votre serviteur, et passez-y la nuit; lavez-vous les pieds; vous vous lèverez de bon matin, et vous poursuivrez votre route. Non, répondirent-ils, nous passerons la nuit dans la rue.
3 Mais Lot les pressa tellement qu'ils vinrent chez lui et entrèrent dans sa maison. Il leur donna un festin, et fit cuire des pains sans levain. Et ils mangèrent.
4 Ils n'étaient pas encore couchés que les gens de la ville, les gens de Sodome, entourèrent la maison, depuis les enfants jusqu'aux vieillards; toute la population était accourue.
5 Ils appelèrent Lot, et lui dirent: Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit? Fais-les sortir vers nous, pour que nous les connaissions.
6 Lot sortit vers eux à l'entrée de la maison, et ferma la porte derrière lui.
7 Et il dit: Mes frères, je vous prie, ne faites pas le mal!
8 Voici, j'ai deux filles qui n'ont point connu d'homme; je vous les amènerai dehors, et vous leur ferez ce qu'il vous plaira. Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu'ils sont venus à l'ombre de mon toit.
9 Ils dirent: Retire-toi! Ils dirent encore: Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge! Eh bien, nous te ferons pis qu'à eux. Et, pressant Lot avec violence, ils s'avancèrent pour briser la porte.
10 Les hommes étendirent la main, firent rentrer Lot vers eux dans la maison, et fermèrent la porte.
11 Et ils frappèrent d'aveuglement les gens qui étaient à l'entrée de la maison, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, de sorte qu'ils se donnèrent une peine inutile pour trouver la porte.

Il ne peut pas y avoir de doutes sur les implications sexuelles de « Amène les nous pour que nous en abusions » puisque dans le cas contraire, il n’y aurait pas lieu que Lot propose ses filles vierges aux émeutiers. Mais est-ce vraiment la sodomie qui était censée être le côté choquant de l’histoire ?
La question se pose car un incident très comparable peut être retrouvé dans les Juges :

« Quand ils furent près de Jébus ( c’est-à-dire Jérusalem, ville encore cananéenne à cette époque, avant sa conquête par le Roi David), le jour avait beaucoup baissé et le serviteur dit à son maître : « viens donc, je te prie, faisons un détour vers cette ville des jébuséens et nous y passerons la nuit ». Son Maître lui répondit : « nous ne ferons pas de détour vers une ville d’étrangers, qui ne sont pas, ceux-là, des Israélites, mais nous pousserons jusqu’à Gibéa (…). Le lévite étant entré, s’assit sur la place de la ville, mais personne ne leur offrit dans sa maison l’hospitalité pour la nuit.
Survint un vieillard qui, le soir venu, rentrait de son travail des champs (…). Levant les yeux, il remarqua le voyageur sur la place de la ville. « Ou vas-tu, lui dit le vieillard, et d’où viens tu ? Et l’autre lui répondit : « Nous faisons route de Bethléem de Juda vers le fond de la montagne d’Ephraïm. C’est de là que je suis. J’étais allé à Bethléem de Juda et je retourne chez moi, mais personne ne m’a offert l’hospitalité. Nous avons pourtant de la paille et du fourrage pour nos ânes, j’ai aussi du pain et du vin pour moi, pour ta ( ma ?) servante ( c’est à dire sa concubine qui sera la victime de l’histoire) et pour le jeune homme ( c’est-à-dire le serviteur) qui accompagne ton serviteur. Nous ne manquons de rien ».
« Sois le bienvenu, répartit le vieillard, laisse-moi pourvoir à tous tes besoins, mais ne passe pas la nuit sur la place ». Il les fit donc entrer dans sa maison et il donna du fourrage aux ânes. Les voyageurs se lavèrent les pieds, pus mangèrent et burent.
Pendant qu’ils se réconfortaient, voici que des gens de la ville, des vauriens, s’attroupèrent autour de la maison, et frappant à la porte à coups redoublés, ils dirent au vieillard « fais sortir l’homme qui est venu chez toi, que nous le connaissions ». alors le maître de la maison sortit vers eux et leur dit « non mes frères, je vous en prie, ne soyez pas des criminels. Après que cet homme est entré dans ma maison, ne commettez pas cette infamie. Voici ma fille qui est vierge et la concubine de cet étranger, je vous les livrerez. Abusez d’elles et faites ce que bon vous semble, mais ne commettez ps à l’égard de cet homme une pareille infamie » . Ces gens ne voulurent pas l’écouter. Alors l’homme ( c’est à dire l’étranger) prit sa concubine et la leur amena dehors. Ils la connurent , ils abusèrent d’elle toute la nuit jusqu’au matin et, au lever de l’aurore, ils la lâchèrent.
(Juges 19 : 11-12, 14b – 16a, 17-25)

Il semble clair qu’il s’agit de deux versions différentes d’une même histoire traditionnelle . Un élément de « sodomie » est commun aux deux, mais est-ce vraiment le point central dont il faut parler ? Il semble bien d’avantage que l’élément choquant est la violation des règles de l’hospitalité, encore plus choquant dans la seconde version que dans la première car l’étranger et sa sa suite étaient très près de passer la nuit dans la rue. Le point est d’importance à souligner car il est évident que, bien que les habitants de Sodome puissent être taxés de « sodomites » ce ne fut pas la raison primordiale pour laquelle leur cité fut détruite.

"Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du souffre et du feu, venant de Yahvé, et il renversa ces villes et toute la plaine, avec tous les habitants des villes et la végétation du sol (…) Abraham vint à l’endroit où il s’était tenu devant Yahvé" ( cf. Genèse 18 : 22-33) et il jeta son regard sur Sodome, sur Gomorrhe et sur toute la plaine, et voici qu’il vit la fumée monter du pays comme la fumée d’une fournaise ( Genèse 19 : 24-28).

Voilà ce qui arrive aux cités qui n’accueillent pas leurs visiteurs dignement ! En abuser, ou même avoir l’intention de le faire est sans nul doute pire que simplement les négliger, mais cela semble une aggravation plus que la substance de l’offense par laquelle ils sont punis.
Nous avons maintenant détaillé tout ce qui dans l’Ancien Testament se réfère à l’homosexualité. Prenez une Bible, tenez entre vos doigts les pages qui vont de la Genèse à Malachie ( ou au 2° Livre des Macchabées si vous êtes catholique) et vous serez surpris de constater combien cela représente peu de choses en comparaison de l’ensemble.
S’il vous arrive de lire la version Autorisée ( ou version de Douai) de la Bible, vous ne serez peut-être pas convaincus quand je revendique d’avoir couvert tous les passages traitant de l’homosexualité. Par exemple, qu’en est-il des « sodomites » mentionnés en Deutéronome 23 : 17 ; I° Rois 14 : 24, - 15 : 12 ; 22 : 46 – 2 Rois 23 : 7 ? Il est regrettable que le mot soit une erreur de traduction, très ancienne qui remonte à la Septante, la traduction pré-chrétienne des Ecritures de l’hébreu en grec ( et qui contient plus de matériaux que la Bible traditionnelle en Hébreux, ce qui fait que les Bibles catholiques aujourd’hui comportent plus de matériau que les bibles protestantes.) mais reste une erreur de traduction.
Le mot hébreu « gadesh » désigne littéralement un « saint homme ». Les « g’deshim » étaient en fait des prostitués, mais ce qui est intéressant à souligner c’est que leurs clients étaient des femmes et plus particulièrement des femmes sans enfants qui venaient les voir avant tout, non pas pour du plaisir sexuel, mais dans l’espoir de tomber enceinte quand elles n’y étaient pas arrivé avec leur mari. Regardons par exemple ce qui suit :


« Le prêtre Eli était assis sur son siège, contre le montant de la porte, au sanctuaire de Yahvé. Dans l’amertume de son âme, elle ( c’est-à-dire Anne, la mère de Samuel) pria Yahvé et elle pleura beaucoup. Elle fit ce vœu « O Yahvé Sabaoth ! Si tu voulais considérer la misère de ta servante, te souvenir de moi, ne pas oublier ta servante et lui donner un petit d’homme, alors je le donnerai à Yahvé pour toute sa vie, et le rasoir ne passera pas sur sa tête .
Comme elle prolongeait sa prière devant Yahvé, Eli observait sa bouche. Anne parlait tout bas : ses lèvres remuaient mais on n’entendait pas sa voix, et Eli pensa qu’elle était ivre. Alors Eli lui dit « jusque à quand seras-tu dans l’ivresse ? Fais passer ton vin ! Mais Anne répondit ainsi « Non, Monseigneur, je ne suis qu’une femme affligée, je n’ai bu ni vin ni boisson fermentée, j’épanche mon âme devant Yahvé Ne juge pas ta servante comme une vaurienne ; c’est par excès de peine et de dépit que j’ai parlé jusqu’à maintenant ». alors Eli lui répondit « Va en paix et que le Dieu d’Israël t’accorde ce que tu lui as demandé ». Elle dit « Puisse ta servante trouver grâce à tes yeux » et la femme alla son chemin, elle mangea et son visage ne fut plus le même ».
(I Samuel, 1 : 9b-18)

Il est évident qu’il manque quelque chose dans le texte – ou plus exactement en a été délibérément ôté après « elle dit puisse ta servante trouver grâce à tes yeux » Le plus probable est qu’elle ait demandé à Eli de l’exaucer, qu’il le fit et c’est pourquoi « son visage ne fut plus le même ». Et cela semble avoir été le rôle qu’avaient à remplir les q’deshim » mentionnés dans la série de textes précédents.

Enfin, nous devons regarder la relation inexplicable qui semble avoir existé entre David et Jonathan. D’abord il faut souligner qu’il n’y a rien d’explicitement sexuel dans le texte qui nous est parvenu, bien que, s’il y en a eu, nous pouvons être sûr que, comme dans l’histoire d’Eli ci-dessus, cela a été expurgé. Le passage le plus étrange à notre regard moderne est : Saul s’enflamma de colère contre Jonathan, et lui dit : « Fils d’une dévoyée ! Ne sais-je pas que tu prends parti pour le fils de Jessé, à ta honte et à la honte de la nudité de ta mère ? » ( I Samuel 20 : 30).

Je sais que cela va désarçonner certains lecteurs, mais en fait il accuse Jonathan de sa naïveté politique plutôt que sa perversion sexuelle. Il lui dit : « tu devrais me succéder et cependant tu te fais un ami de l’homme qui, de toute évidence a l’ambition de devenir Roi à ta place et peut-être même à la mienne ».
Il est bien évident à partir de ce qui reste de texte que Saul a échoué avec David quand il en vint à réaliser l’extension de l’ambition de David. Et il faut garder à l’esprit que ce qui nous en reste a été crée par les chroniqueurs du Roi David plutôt que par les chroniqueurs du Roi Saul. Il est évident que Saul avait raison de se méfier. Mais il est aussi évident que Jonathan a continué à garder son amitié avec David bien après que l’hostilité de son père se soit manifesté. Pourquoi ?
Après tout il est difficilement imaginable que Jonathan n’était pas au courant des raisons de la haine de son père. C’est la circonstance particulière qui rend intéressant de penser que du côté de Jonathan, de toute façon il y avait quelque chose de passionné dans leur amitié. Mais il faut s’efforcer d’y trouver le seul caractère spécifique de l’histoire qui va dans cette direction.
Même à nos esprits ouverts, la relation :
« Lorsqu’il ( c’est-à-dire David) eut fini de parler à Saul, l’âme de Jonathan s’attacha à l’âme de David et Jonathan se mit à l’aimer comme lui-même (…) Jonathan conclut un pacte avec David, car il l’aimait comme lui-même. Jonathan se dépouilla du manteau qu’il avait sur lui et il le donna à David, ainsi que sa tenue, jusqu’à son épée, son arc et son ceinturon ( I Samuel 18 : 1, 3-4) est bien moins significative que certains d’entre nous aimeraient le penser. Soulignons que David est décrit comme un jeune fils pauvre et ce que Jonathan lui donne sont des choses qu’il n’aurait pqas pu s’offrir lui-même.
D’un autre côté, on peut douter que David ait eu aussi peu de ressources, comme dans l’histoire très romantique de la tuerie de Goliath
Dans le passage peu étudié de l’Ancien Testament ( II Samuel 21 : 19) , la tuerie de Goliath à un illustre inconnu Elhanân, le fils de Yaaré-Oreguim, de Bethléem. Quand on compare la renommée consécutive de David et l’obscurité consécutive de Elhanâm, on serait tenté d’en créditer l’exploit à Elhanam. En réalité David semble être passé à la postérité comme général particulièrement victorieux dans l’armée de Saul.
"Dans ses sorties, partout où l’envoyait Saül, David remportait des succés, et saül le mit à la tête des hommes de guerre ; il était bien vu de tout le peuple, et même des officiers de Saül" ( I Samuel 18 : 5).
Il n’y a pas de doute sur la base de la réputation qu’il en acquis et dont il conçut ensuite l’idée de devenir roi lui-même.
Comment a-t-il pu l’espérer ? Et quelle fut l’attitude de Jonathan sur les commérages qu’il a dû entendre ? Les écrits restants ( mais souvenons-nous qu’ils viennent des scribes du roi David suggèrent qu’il approuva les ambitions de son ami.
S’étant mis en route, Jonathan, fils de Saül, vint auprès de David à Horsha et le réconforta au nom de Dieu. Il lui dit « sois sans crainte, car la main de mon père Saul ne t’atteindra pas. C’est toi qui règnera sur Israël et moi je serai ton second ; mon père Saül lui-même le sait bien." ( I Samuel 23 : 16-17).
C’est difficile de savoir si l’on doit y croire. Il est juste possible qu’il y ait eu un accord tacite à l’époque de Saül qui faisait que quiconque fut roi devait avant tout être un chef militaire victorieux et que David plus que Jonathan avait eu ce don. Mais si c’était le cas, l’héritier présomptif ne devrait-il pas se sentir jaloux de son rival plutôt que de lui témoigner son affection ?
J’ai volontairement sous-estimé plutôt que surestimé ce qui ressemblait à la passion dans leur relation. Cette relation était bien d’ordre émotionnel, mais en se basant sur ce que nous avons comme texte, nous ne pouvons pas en dire plus. D’un autre côté, répétons que si il y avait plus que cela, les témoignages qui nous restent ne l’auraient pas montré ; et cela a toujours été reconnu par tous ceux qui étudient l’Ancien Testament que cette relation a été unique en intensité. Les mots avec lesquels David pleure la mort de Jonathan sont ( soulignons le) un témoignage vibrant d’intensité : "J’ai le cœur serré à cause de toi, mon frère Jonathan. Tu m’étais délicieusement cher, ton amitié m’était plus merveilleuse que l’amour des femmes" ( II Samuel 1 : 26).

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Chapitre 3: l'Homosexualité dans le Nouveau Testament

Une fois encore, tous les textes qui nous concernent – même dans les célèbres épîtres de Paul – sont très peu nombreux. Il y a au plus quatre références à l’homosexualité dans le Nouveau Testament. Commençons par la plus simple ( mais aussi la moins certaine).
"Dehors les chiens, les sorciers, les impurs, les assassins, les idolâtres et tous ceux qui se plaisent à faire le mal" ( Apocalypse 22 : 15).
Il est hautement probable, bien que pas absolument certain que « chiens » ici provienne du deutéronome 23 : 17-18. Je me suis référé au verset 17 dans le chapitre précédent ; ici encore avec le verset suivant :
"Il demeurera avec toi, parmi les tiens, au lieu qu’il aura choisi dans l’une de tes villes où il se trouvera bien ; tu ne le molesteras pas. Il n’y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d’Israël, ni de prostitué sacré parmi les fils d’Israël. Tu n’apporteras pas à la maison de Yahvé ton Dieu le salaire d’une prostituée ni le paiement d’un chien, quel que soit le vœu que tu aie fait : car tous deux sont en abomination à Yahvé ton Dieu ». ( Deutéronome 23 : 17-19)
Tout comme le mot hébreu pour désigner un prostitué sacré masculin est quadesh ou « saint homme », la version féminine ici est q’deshah ou « sainte femme ». En quoi consistait sa fonction ne peut être que supposé à cause du très rare usage qu’il est fait du mot. Le mot hébreu habituel pour une prostituée sacrée est zonah, comme dans la deuxième phrase du texte. L’autre usage de q’deshah en dehors de ce passage est fait dans Genèse 38, où Tamar s’offre elle-même à Juda, non pas en tant que zonah mais en tant que q’deshah.
A cela nous devrions probablement lier l’acte de Ruth dans Ruth 3, une relation que le livre lui-même fait en 4 : 12. Ce que ces actes ont en commun est qu’ils prennent place dans le contexte d’un genre d’action de grâces, et tout ce que nous pouvons supposer ( mais ce n’est qu’une hypothèse) est que la q’deshah est elle-même attachée au sanctuaire local pour satisfaire le plaisir des « fidèles ». En ce cas, sa fonction était plus une sorte de complaisance que ce ne l’était pour le qadesh.

Ces précisions faites ( que probablement l’auteur de l’Apocalypse, par « chiens » voulait dire « sodomites ») la lecture de l’extrait ci-dessus apparaît facilitée si on utilise les mots hébreux là où c’est approprié : Il n’y aura pas de q’deshah parmi les filles d’Israël, ni de qadesh parmi les fils d’Israël. Tu n’apporteras pas à la maison de Yahvé ton Dieu le salaire d’une zonah, ni le paiement d’un keleb… » Le parallèle est clairement établi entre le féminin q’deshah ou zonah d’un côté et le masculin q’adesh ou keleb de l’autre.
L’auteur de l’Apocalypse aura lu sa Bible ( ou ce que nous appelons l’Ancien Testament) dans la version grecque de la Septante où, nous l’avons vu, qadesh est traduit par « sodomite ». C’est une déduction logique que les « chiens » de l’Apocalypse 22 : 15 désignent les « sodomites » le mot en soi ne pouvant être prononcé. La même chose est probablement vraie pour Philippiens 3 : 2 où Paul met en garde ses lecteurs « Prenez garde aux chiens ».

Les deux exemples restants de Paul condamnant l’homosexualité sont beaucoup plus intéressants et, beaucoup de lecteurs le sentiront, vont plus au cœur du sujet. Le premier, j’en suis désolé, est un peu long :

"En effet, la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui tiennent la vérité captive dans l’injustice, car ce qu’on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu, en effet le leur a manifesté. Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu’ils sont inexcusables ; puisque, ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu, gloire ou action de grâces, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s’est enténébré : dans leur prétention à la sagesse, ils sont devenus fous et ils changé la gloire du Dieu incorruptible contre une représentation, simple image d’hommes corruptibles, d’oiseaux, de quadrupèdes, de reptiles.
Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de leur cœur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps ; eux qui ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature de préférence au Créateur, qui est béni éternellement. Amen.
Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; pareillement les hommes délaissant l’usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres, perpétrant l’infamie d’homme à homme et recevant en leurs personnes l’inévitable salaire de leur égarement. Et comme ils n’ont pas jugé bon de garder la vraie connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur esprit sans jugement, pour faire ce qui ne convient pas : remplis de toute injustice, de perversité, de cupidité, de malice, ne respirant qu’envie, meurtre, dispute, fourberie, malignité, diffamateurs, détracteurs, ennemis de Dieu, insulteurs, orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, insensés, déloyaux, sans cœur, sans pitié, connaissant bien pourtant le verdict de Dieu qui déclare dignes de mort les auteurs de pareilles actions, non seulement il les font, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent ".
( Romains 1 : 18-32).

Si certains des propos semblent injustes, reconnaissons aussi qu’il y a un magnifique morceau d’invectives et que c’est la nature de cette invective en tant qu’art rhétorique, d’être injuste. L’injustice est surtout présente dans le premier paragraphe, après celui-ci on peut s’arranger de la suite. En bref, l’argumentation est que l’idolâtrie est à la base de presque toutes les autres perversités et le genre d’idolâtrie auquel pense Paul est indiqué à la fin du premier paragraphe ; et cela nous pose un problème. On peut supposer, et tout dans le deuxième et troisième paragraphe va en ce sens, que c’était l’idolâtrie grecque à laquelle il pensait, mais les grecs n’ont jamais pensé à leurs dieux en tant « qu’oiseaux ou quadrupèdes, ou reptiles ». Les Egyptiens oui, et des variantes de la religion égyptienne étaient répandues en Orient où Paul a principalement agi. Est-il seulement inattentif, ou délibérément malveillant en réunissant les deux sans faire de distinction ? Probablement ( il faut le dire) est-il malveillant, parce qu’il a également réunis deux sortes de paganisme grec ensemble dans une intention volontairement malveillante. Pour schématiser il y avait en Grèce deux formes de religion : celle des philosophes et celle du peuple. Les philosophes, plus avisés que ceux de l’Occident actuel, se conformaient apparemment à la religion populaire, mais la comprenaient et l’interprétaient d’une façon différente. Le peuple, en gros, croyait que la mythologie de la religion grecque était vraie sans trop remettre en question la signification de cette vérité. C’est du moins ce que l’on pense, à la différence de ce que fait une religion fondamentaliste moderne. Les philosophes dans l’ensemble approuvaient tacitement qu’il n’y avait pas un mot de vrai. Certains, néanmoins considéraient que c’était sans grande importance, mais que les histoires étaient des images utiles d’idées abstraites qui pourraient être tenues pour vraies. Mais il y en avait plein d’autres qui auraient été d’accord avec Paul sur le fait que beaucoup de cette imagerie était grossière et charnelle, et ainsi encourageait la grossièreté et la sexualité chez le peuple qui y croyait. C’est ici que l’inobjectivité réelle du premier paragraphe réside.
Paul ne fait pas de distinction entre le paganisme philosophique et le paganisme populaire, et il suggère même ( …dans leur prétention à la sagesse, ils sont devenus fous et ils ont changé la gloire de Dieu, incorruptible, contre une représentation…) que le paganisme populaire est la conséquence du paganisme philosophique, ce qui est une parfaite contrevérité.

Avant que nous examinions l’argument restant, je voudrais ajouter quelques commentaires. Les Romains qui dirigeaient tout cela, partage aient en gros le point de vue des philosophes considérant qu’il n’y avait pas un mot de vrai. Mais ils considéraient également la religion ( à juste titre je pense) comme un moyen essentiel de stabilisation de la société. Leur solution était de permettre aux philosophes une liberté absolue pour dire ce qu’ils voulaient en écrit et en parole entre eux . La barrière du langage écrit était suffisamment forte à cette époque pour s’assurer que très peu des idées dérangeantes des philosophes pourraient avoir un large auditoire. Les chrétiens ont écopé des autorités romaines car leur succès alarmant a fait tomber cette barrière. Leur but était de convaincre chacun qu’il n’y avait aucune vérité dans le paganisme populaire, et ils ont mis par écrit leurs idées qui étaient d’abord faciles même pour les moins intelligents.
Le fait, qu’aux yeux des Romains, ce que les chrétiens tenaient pour vrai n’était pas plus vrai que ce qu’ils condamnaient comme faux n’était pas la considération majeure ( ce qui était de fait beaucoup plus grossièrement superstitieux). Ce qu’ils recherchaient était de n’avoir aucun trouble dans la croyance populaire. L’autre point concerne la religion d’Egypte. Quand Paul condamne les images de Dieu « ressemblant…aux oiseaux, aux quadrupèdes, aux reptiles », c’est difficile d’écarter l’idée que la mythologie Egyptienne est ce à quoi il fait allusion. Cependant la grande critique qu’il fait de l’idolâtrie est la permissivité sexuelle qu’elle encourage. Pourquoi donc ne fait-il pas mention de la pratique Egyptienne courante à l’époque ( qui nous horrifie encore) de l’acceptation répandue des mariages entre frères et sœurs ?

Mais revenons au texte : « Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de leur cœur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps … » Cela heurte les lecteurs modernes comme étant une déduction injuste mais, comme nous l’avons vu plus haut, il y aurait eu beaucoup de païens contemporains de Paul qui l’auraient approuvé dans le fait que la permissivité de la mythologie grecque encourageait la permissivité des fidèles. « Ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps » pourrait bien traduire la notion moderne de « sexe récréatif » et cela bien sûr nous pose la question de savoir si le « sexe récréatif » n’est pas en fait une bonne chose ( bien qu’il ne semble pas l’avoir été pour la plupart des contemporains de Paul). Si « libération » est votre mot d’ordre, alors ça y ressemble ! Autrement, je ne le pense pas. La question est mieux débattue dans le chapitre suivant. Pour l’instant nous remarquons que l’on peut faire cas du lien qu’a établi Paul entre la mythologie grecque et un relâchement sexuel.
C’est ce relâchement sexuel qui prend l’apparence de ce que Paul considère sans aucun doute être une perversion sexuelle. Concernant a pratique du lesbianisme entre femmes ( verset 26) et de l’homosexualité entre hommes ( verset 29), et bien qu’il soit difficile de savoir ce qu’il signifie par : « recevant en leurs personnes l’inévitable salaire de leur égarement », il semble vouloir dire qu’ils et elles souffriraient de quelques conséquences désagréables. C’est peut-être parce que, vierge lui-même, il était assez naïf pour penser que les maladies vénériennes n’affectaient que les homosexuels (comme il y en a de nos jours qui pensent que le Sida est une maladie qui ne touche que les homosexuels). Une fois encore, si nous considérons le terme lourdement chargé de « perversion sexuelle », l’observation est probablement exacte. Les références au lesbianisme sont difficiles à trouver dans la mythologie grecque. Il est seulement possible que l’attitude de Diane envers ses suivantes vierges soit prise comme un exemple de lesbianisme « mental » mais toutes les histoires établissent clairement que pour elle, l’absence d’hommes signifiait l’absence de sexualité, quelle qu’elle fut. Ce fut la poésie de Sapho ( née vers 612 avant J.C.) qui, dans le monde antique, a fourni l’étendard des femmes lesbiennes libérées. Des histoires d’amours homosexuelles masculines entre des dieux sont par ailleurs presque trop nombreuses pour être mentionnées : Zeus et Ganymède, Apollon et Hyacinthe, Hercule et Hylas, de même que les héros Achille et Patrocle fournissent toutes les justifications dont tout homme aurait besoin pour déclarer sa préférence sexuelle pour garçons plutôt que pour les filles. Le plus grand prestige qui est attaché aux modèles masculins d’homosexualité par rapport aux modèles féminins reflète sans doute les vies plus retirées des femmes de l’antiquité comparées à celles des hommes.

Le paragraphe final de l’extrait est l’un de ceux que les lecteurs modernes auront le plus de mal à avaler, en dépit du fait que notre monde, plus qu’aucun dans l’histoire de l’humanité ( y compris du temps de Paul) fournit la justification la plus forte pour l’argumentation de Paul. Ce qu’il semble vouloir dire est que le relâchement des mœurs sexuelles conduit à un relâchement plus général, puisque les liens de la société sont essentiellement un élargissement des liens de la famille. Il semble s’appuyer sur le fait que le genre de liberté sexuelle qu’il y avait autour de lui, avait tendance à dissoudre les liens de loyauté et de fidélité sur lesquels reposent le mariage, et par extension dissoudraient les liens de la société dans son ensemble. Même si nous ne pouvons que nous réjouir des libertés modernes, on ne peut pas nier qu’elles ont infligé de gros dégâts à l’institution du mariage, et de là ont généré toute une armée d’adolescents qui ont grandi sans supervision, sans lien de loyauté et d’affection en dehors de ceux qu’ils ont choisi pour eux-mêmes ( souvent de nature douteuse), et sans aucun élément d’éducation morale dans leur développement. Il y a des tas de personnes dans les médias qui insistent sur le fait qu’il n’y a rien de vraiment nouveau, qu’il y a toujours eu des familles atypiques et conséquemment des jeunes gens mal-aimés, asociaux, et souvent violents et criminels. Oui, cela a toujours été. Ce qui est nouveau c’est l’échelle à laquelle nous permettons que cela arrive et la complaisance avec laquelle nous acceptons la situation, en comparaison avec les signaux d’alarme qu’ont toujours ressentis les générations précédentes et sur lesquelles ils ont agi. Suis-je venu pour enfoncer Paul ou pour l’encenser ? N’étais-je pas supposé critiquer son point de vue sur l’homosexualité ? Oui, bien sûr, mais c’est une bonne chose quand on veut critiquer un opposant, de commencer par établir honnêtement les faits dans leur contexte ( même si, je le concède, cela n’a jamais été la façon de faire dans l’Histoire de l’Eglise Chrétienne). J’ai dit tout ce qui pouvait être dit pour appuyer les propos de Paul ; maintenant voyons ce qui peut les contredire.

La première chose à souligner est que Paul semble presque partir du postulat que l’on pourrait choisir d’être homosexuel ou non ( il en était de même dans l’Eglise chrétienne, il n’y a pas si longtemps). Il semble suggérer que l’homosexualité est générée par les conduites licencieuses plus que par la nature propre de chacun. D’un autre côté, il est bien conscient qu’il y en a beaucoup pour qui l’abstinence sexuelle totale n’est pas possible : « je dis toutefois aux célibataires et aux veuves qu’il leur est bon de demeurer comme moi. Mais s’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient ; mieux vaut se marier que de brûler ». ( I Cor.7 :8-9).
Ou encore :
« Si quelqu’un pense, étant en pleine ardeur juvénile, qu’il risque de mal se conduire vis – à vis de sa fiancée, et que les choses doivent suivre leur cours, qu’il fasse ce qu’il veut : il ne pèche pas, qu’ils se marient » ( I Corinthiens 7 : 36).
N’y a-t-il que les hétérosexuels qui ont ce genre de compulsions ? Pourquoi devrions nous le penser ? Et si non, pourquoi le même remède ne pourrait-il pas s’appliquer aux homosexuels comme aux autres ? En quelle mesure le mariage serait-il ébranlé par le désir qu’ont les homosexuels aussi de vivre à la fois calmement, dans le cadre d’une vie familiale, sainement et sexuellement ? On pourrait dire que beaucoup d’homosexuels ne le recherchent pas, qu’ils veulent l’excitation et la proximité sordide sans repos. A supposer que cela soit vrai, est-ce une raison pour empêcher la minorité qui ne le souhaite pas ?

Quand j’étais jeune, il était impossible pour un homosexuel d’admettre sa condition sauf en une seule circonstance : non pas en privé ( on ne pouvait généralement pas confier ce terrible secret même à ses amis les plus proches), la seule circonstance où l’on pouvait reconnaître son homosexualité était au cours des situations de dépravations difficilement imaginables. C’est ce genre de situations que le christianisme a condamné pendant des siècles et c’est ce genre de situation qui se développerait si la condamnation des fondamentalistes devait de nouveau se répandre.
Je ne donne pas beaucoup de crédit à l’idée qu’il y aurait un gène détectable qui provoquerait l’homosexualité ; cela ressemblerait à une sorte d’erreur de laboratoire. Mais une chose est certaine : on ne choisit pas de devenir homosexuel, on découvre qu’on l’est. Même l’Eglise semble prête à l’admettre aujourd’hui, et l’admettre change aussi toute la donne de la condamnation traditionnelle.
Ce n’est pas Dieu qui désire que les homosexuels, à la différence des autres hommes, aient une vie de chasteté, mais un ecclésiastique ou un groupe d’ecclésiastiques. Et en les ecclésiastiques espèrent-ils que tous les homosexuels tentent de vivre sans sexe, sans autre raison que parce que des hommes d’Eglise le leur demandent ?

Le deuxième passage des écrits de Paul que nous devons regarder en détail est le suivant : « Ne savez-vous pas que ceux qui pratiquent l'injustice n'auront aucune part au royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : il n'y aura point de part dans l'héritage de ce royaume pour les débauchés, les idolâtres, les adultères, les pervers ou les homosexuels, ni pour les voleurs, les avares, pas plus que pour les ivrognes, les calomniateurs ou les malhonnêtes.». ( I Corinthiens 6 : 9-10 selon la traduction de la Bible du Semeur).
Je serais surtout intéressé de savoir ce qu’il veut dire par « ne pas hériter du Royaume de Dieu », mais avant de le faire il faut soulever les questions à propos des homosexuels. Une note en marge de la traduction anglaise RSV (Revised Standard Version) nous dit que « deux mots grecs sont utilisés pour cette expression, et ces deux mots en question sont malakoi et arsenokotai. Les malakoi ( sentimentaux) sont les homosexuels passifs, et les arsenakotai ( ceux qui couchent avec les hommes) les actifs. Paul mentionne les deux spécifiquement car, dans la culture de cette époque, le rôle d’homosexuel passif était plus considéré comme ridicule que comme immoral. A cette époque on perdait sa dignité et son statut si l’on était connu comme passif. Les anciens esclaves, quelles que furent les richesses et l’influence qu’ils pouvaient acquérir, ne pouvaient pas se défaire de cette « tache » d’avoir satisfait leur maître de cette façon. C’était fait comme allant de soi.
Ce qui nous semble affreusement injuste est que l’esclave qui avait satisfait son maître sous la menace de punitions inimaginables pour ne serait-ce que penser à résister encourait l’opprobre, alors que son maître n’encourait rien. En tant que partenaire actif dans une relation, le sexe, l’âge ou la condition de l’autre importait peu ; on ne souffrait pas d’une perte d’honneur ni d’estime. D’un autre côté, la seule personne qui pouvait se plier à l’étreinte d’un homme sans aucune sorte de honte était son épouse légitime. Dans le cas de l’homosexualité, Paul refuse cette distinction, les deux partenaires sont également « coupables », et j’oserai dire que beaucoup d’entre nous lui en seraient reconnaissants. Mais donc, qu’en est-il de « ne pas hériter du Royaume de Dieu » ? Quelle punition terrible est-elle ici encourue par les « impurs » idolâtres, adultères , homosexuels… » et ainsi de suite ?

Est-ce que Paul veut vraiment dire que quand ces gens là meurent ils n’iront pas aux cieux ? En fait, nous avons une assez bonne idée de ce qu’il veut dire, et il ne semble pas que ce soit quoi que ce soit de ce genre. Peut-être que le plus authentique de tous les propos attribués à Jésus dans les Evangile est « En vérité je vous le dis, il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance » ( Marc. 9 : 1).
Ce que Jésus prophétise ici ( et il semble certain qu’il le fit ainsi) est qu’il reviendra sur terre pour établir son royaume alors que beaucoup de ses auditeurs présents seront toujours vivants. La prophétie originale peut même encore plus confondre l’imagination que cela. Il y a un passage dans I Corinthiens qui établit clairement à un moment donné que Paul a assuré que chacun serait encore vivant au retour de Jésus sur terre :
« Que chacun donc s’éprouve soi-même et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe ; car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation , s’il ne discerne le corps. Voilà pourquoi il y a parmi vous beaucoup de malades et d’infirmes et que bon nombre sont morts" ( I Cor. 11 : 28-30)
La conclusion ici est que ceux qui sont morts ont réellement manqué le Royaume de Dieu, duquel n’hériteront que ceux qui seraient encore en vie au moment de son inauguration. Gardons à l’esprit que même l’Evangile de Marc ( le plus ancien) a probablement été écrit bien après la mort de Paul. Il se pourrait bien que la prophétie originale de Jésus ait été modifiée par la suite alors que des membres bien aimés de l’Eglise chrétienne commençaient à mourir. En aucun cas, dans ses écrits, Paul n’abandonne sa croyance que lui-même sera encore en vie au moment de l’apparition du Christ. Ceci est le dernier point de vue qu’il ait écrit : « Oui je vais vous dire un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale, car elle sonnera, la trompette et les morts ressusciteront, incorruptibles, et nous, nous serons transformés » ( I Cor. 15 : 51-52).

En d’autres mots, ceux qui sont morts n’hériteront pas du Royaume, mais beaucoup de ceux parmi nous qui restent seront encore en vie ( à ce propos, nous ne pouvons pas voir dans cet extrait et le précédent, bien qu’ils soient réunis dans un seul document que nous connaissons comme la première lettre aux Corinthiens, une quelconque relation entre eux. Il est évident à quiconque lit les Epîtres aux Corinthiens d’une traite qu’elles sont faites de fragments de lettres qui étaient initialement beaucoup plus nombreuses que deux).
Les morts ressusciteront incorruptibles, et nous qui sommes toujours vivants verront nos corps miraculeusement transformés de mortels en immortels. Quand Paul dit qu’il nous confie un mystère, il ne veut nullement dire que ses propos sont difficiles à croire. Il veut dire que cette information lui est parvenue par révélation directe. L’ensemble des propos ci-dessus et ceux qui suivent jusqu’à la fin du chapitre, sont en fait parfaitement intelligible une fois abandonnée l’obligation inutile de trouver un sens que l’on doive absolument tenir pour vrai. L’histoire a montré que la foi de Paul n’est pas rationnelle, cela ne la rend en aucun cas difficile à comprendre.

Ainsi, s’il est vrai que les homosexuels n’hériteront pas du Royaume de Dieu, qu’ils se rassurent : personne d’autre n’en héritera. Paul est mort sans en hériter au sens où il l’entendait et il en de même des saints et de tous les pécheurs. Il n’y a pas lieu d’être méprisant pour autant. Aucune société ne peut totalement s’affranchir de l’idée qu’il y ait une récompense à la vertu. Et d’un autre côté aucune société n’a pu établir de façon convaincante que c’était le cas. L’Ancien Testament essaye à maintes reprises de récompenser les vertueux, parfois avec richesse et honneur ( I Rois 3 : 13) , parfois avec une grande longévité ( Exode 20 : 12). Le psalmiste n’a jamais vu « le juste oublié ou ses enfants mendier leur pain » mais les commentateurs sont généralement d’accord sur le fait qu’il doive tourner en rond avec ses yeux clos.

Rarement nous entendons la vérité troublante :

« Qu’est devenue, dites-vous, la maison du grand Seigneur
Où est la tente qu’habitaient les méchants ?
N’interrogez-vous pas les voyageurs,
Méconnaissez-vous leurs témoignages ?
Au jour du désastre le méchant est épargné,
Au jour de la fureur, il est mis à l’abri
Et qui donc lui reproche en face sa conduite
Et lui rend ce qu’il a fait ?
Il est emporté au cimetière
Où il veille sur son tertre.
Les mottes du ravin lui sont douces
Et, derrière lui, toute la population défile "
( Job 21 : 28-33)

Ou:

"Il y a une vanité qui se fait sur la terre : il y a des justes qui sont traités selon la conduite des méchants, et des méchants qui sont traités selon la conduite des justes » ( Ecclésiaste 8 : 14)

De tels propos sont sans doute passionnants pour l’artiste mais sans aucune utilité au moraliste. Non pas que le rôle du moraliste soit intentionnellement mensonger ou presque inutile ( bien que tout au long de l’Histoire, des moralistes aient été l’un et l’autre). Quand l’Ecclésiaste s’écrit « Vanité des vanités ! tout est vanité » Il veut dire qu’une observation minutieuse de la condition humaine montre qu’elle n’a ni sens ni signification, et je dois le redire, il a raison mais c’est inutile. Et si notre situation ne nous apporte ni signification ni dessein, nous devons en créer pour nous-mêmes à la fois en tant qu’individus et que société. Quel que soit notre sens moral, il découle de la vision que nous aimerions signifier, ou de ce que la société dans son ensemble voudrait signifier. Si notre dessein paraît illusoire à autrui ( même si nous pouvons le voir par nous-mêmes) cela ne justifie pas de le délaisser. Le choix dans ce cas ( et je crois que c’est notre vraie situation) est entre un sens illusoire de signification et aucun sens de signification du tout. On doit ajouter que quelle que soit la signification qu’un sécularisme moderne essaye de trouver à l’existence humaine ( bien qu’en général il faille même se méfier de considérer cette question), ces notions sont autant artificielles, autant clairement illusoires que n’importe quelle notion religieuse qui s’auto félicite d’avoir émergé.

Ainsi, il s’est trouvé que Paul a eu tort mais quiconque n’a jamais essayé de nous guider sur le sentier de la vertu se trouvera un jour avoir tort. Ce n’est pas tant lui qui doit être critiqué que ceux qui refusent qu’il n’ait jamais pu se tromper. ( honnêtement je suis forcé d’admettre qu’il a lui-même et ce genre d’observation – cf. I Cor. 2 : 16 – 7 : 25 et 40b – 11 : 16).
Il se peut que l’homosexualité soit une erreur, mais si cela est, c’est pour d’autres raisons que celles que Paul a avancé. Peut-être que cela peut avoir de graves conséquences, mais si c’est le cas Paul a complètement échoué à découvrir ce qu’elles sont. Ainsi, si les fondamentalistes sont décidés à condamner l’homosexualité, comme les Pharisiens condamnaient les disciples, ils doivent trouver d’autres arguments que ce que dit la Bible.

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